Front et la Forme (Le)

En août 1998 à Lussas, dans le cadre des Etats généraux du film documentaire, Jean-Louis Comolli, Michel Samson et Jean-Marie Barbe ont réuni une quinzaine de documentaristes pour aborder la question de la représentation du Front national. Moments choisis de ces rencontres : des extraits de films sont commentés par leurs auteurs et les récits d’expériences se croisent, mis en perspective par la philosophe Marie-José Mondzain.

Dans son film « Ibrahim Ali…", Isabelle Sens fait entendre en off la parole des militants du FN, sans montrer leur visage. C’est l’occasion pour M.-J. Mondzain de poser la question « Qui a droit à la dignité du visage ?", et de rappeler que la première fois où les juifs sont pris à partie dans le monde chrétien, ils sont désignés, en grec, comme « les hommes sans visage ». Dans la continuité, avec « Retour du Front » de Daniel Merlet et France Simonet, elle donne une définition de la tradition talismanique de l’image : la figure du mal qui exorcice les possédés, comme un miroir quand on la leur montre. A propos de son travail avec M. Samson, J.-L. Comolli expose sa méthode, « avoir un corps complice dans le cadre, quand on traite avec l’ennemi ». Mais tous s’accordent à dire que, dans cet exercice dangereux, les stratégies de représentation et les dispositifs filmiques éprouvent leurs limites. Des moments essentiels de réflexion collective pour l’analyse de la production d’images. M.G./