Mai 68, les enfants de la troupe
Un film de Virginie Linhart
• 2008 • France • Documentaire • Prise de vue réelle • 52 mn • Couleur • Mode de production : Télévision • VF
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Dernière mise à jour : 5 septembre 2008
Après le livre, le film. Virginie Linhart, auteure du remarqué Le jour où mon père s’est tu (Le Seuil, 2008), revient en images sur son beau sujet : que sont les enfants des leaders de 68 devenus ? Quel effet l’effervescence débridée des « événements » (et des quelques années militantes qui ont suivi) a-t-elle produit sur eux ? Comment s’en sont-ils sortis ? Que pensent-ils de l’action de leurs parents, vue depuis le monde un brin désabusé d’aujourd’hui ?
Devant la caméra témoignent Nathalie Krivine, Samuel Castro, Lamiel Barret-Kriegel ou encore Mao Péninou, filles ou fils d’Alain, Roland, Blandine, Jean-Louis. Virginie Linhart est, elle, la fille de Robert, grande figure du maoïsme et auteur de l’Etabli. C’est le mutisme dans lequel son père, maniaco-dépressif, a sombré quand elle avait 15 ans, qui a amené Virginie à fouiller cette question de la transmission entre générations.
Le film traite correctement son sujet, avec drôlerie souvent. Mais ce qui le rend vraiment intéressant, c’est le malaise diffus qu’il suscite chez son spectateur. Car voyez le tableau : les fils et filles de, âgés aujourd’hui d’une petite quarantaine pour la plupart, commentent avec indulgence l’action turbulente et fofolle de leurs parents, que l’on voit âgés d’une grosse vingtaine d’années sur les images d’archives intercalées entre les interviews. C’est dire si l’inversion des rôles est totale.
Papa et maman ont fait leurs conneries, c’était de leur âge, disent en substance les enfants. Mais eux ont grandi dans un monde qui ne donnait pas tellement envie de déconner. Les parents étaient souvent brillants, surdiplômés, écrasants. Comment les enfants auraient-ils pu s’en sortir autrement qu’écrasés ? Malgré la tendresse qui se dégage par moments de ces témoignages, on a l’impression de voir défiler une génération sinistrée. Le sentiment le plus souvent exprimé est celui d’une envie d’un retour à l’ordre. « Les enfants des ex-soixante-huitards prennent la parole » est le pitch du documentaire. Mais avaient-ils tellement envie de la prendre, dans le fond ?
Format télé oblige, les questions les plus aiguës du bouquin passent ici à la trappe, en particulier le chapitre traitant de ce thème vertigineux : « Mai 68 et judéité ». En revanche, l’image et le son permettent de mieux saisir le ton des témoignages : ici, plus d’ironie qu’on ne le supposait, là, plus de gravité. Et parfois même un peu de pathétique, quand Untel se demande si son homosexualité ne trouve pas en partie son origine dans les discours castrateurs de sa mère, alors militante féministe, ou quand Unetelle se rappelle avoir assisté à un « 69 » entre adultes et dit sa difficulté à assumer une vie sexuelle équilibrée après cela. Il est question aussi de politique, de luttes, de militantisme enflammé. Mais tout cela semble si loin !
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