Reprise du travail aux usines Wonder - Wonder, Mai 68 (La)

Un groupe d’étudiants de l’IDHEC en grève vient filmer un militant de l’OCI (Organisation communiste internationaliste), le 10 juin, à l’usine Wonder de Saint-Ouen. L’équipe de tournage arrive sur place au moment où la reprise du travail vient d’être votée et décide de filmer… Une jeune ouvrière refuse de reprendre le travail.

« Dix minutes filmées en continuité et présentées sans aucun montage, dix minutes pendant lesquelles la virtuosité d’un cameraman lui permet de faire la preuve de son intelligence et de sa sensibilité, les dix minutes qui précèdent la reprise du travail aux usines Wonder de Saint-Ouen. Pour l’essentiel, le refus pathétique d’une jeune ouvrière de retrouver ce boulot « dégueulasse », ces chiottes « dégueulasses », d’admettre que des semaines de grève puissent se terminer ainsi.

Face à elle, raisonnables, raisonneurs, deux délégués de l’Union locale CGT qui parlent au contraire d’un premier succès. À ses côtés, un étudiant, « gauchiste » bien sûr. Et pour finir l’invitation à rentrer dans l’usine adressée par un personnage aux fonctions mal définies et suivie par la majorité. Même si parfois les propos échangés manquent d’intelligibilité - la possession et le bon emploi de micros suffisamment directifs semble encore exceptionnels pour de tels tournages en France - cet admirable reportage rend compte sous une forme extrêmement concise, passionnée et authentique de ce que furent en juin bien des fins de grève. On ne saurait trop s’employer à ce qu’il soit projeté et discuté à l’occasion de réunions syndicales. Sinon il faudrait croire que certains dirigeants ont peur du cinéma-vérité, pas au sens bourgeois chèvre-chou de cinéma objectivité si fort à la mode il y a peu dans le Landernau politique, mais au sens révolutionnaire et premier de Kino-Pravda, supplément filmé du journal de Lénine.»

Jacques Demeure, Positif n° 97, été 1968