ABCDAIRE du jeune lascar périphérique
Un film de Djamel Zaoui
• 2007 • France • Documentaire • Prise de vue réelle • 52 mn • Couleur • Mode de production : Télévision • VF
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Dernière mise à jour : 11 décembre 2008
Ancêtres, banlieue, communautarisme, daron, exclusion, faciès, galère… Au travers de ces réalités mises bout à bout, ce film, nous plonge au cœur des problèmes de la jeunesse des cités-banlieues au rythme d’un Abcdaire teinté d’humour et d’ironie.
Etrange destin que celui de ces cités maudites, à l’écart de la ville, derrière un mur aveugle, une voie ferrée, un échangeur d’autoroute ou un terrain vague. L’actualité ramène régulièrement ces banlieues oubliées de la République sous les feux de la rampe. Depuis le début des années 1980, les banlieues explosent régulièrement.
A l’origine de ces retours de flammes, toujours le même drame : la mort d’une victime des bavures de l’ordre public. Jamais les événements de Clichy-sous-Bois en novembre 2005, n’auraient eu de telles répercussions si les quartiers dits sensibles ne s’étaient trouvés au carrefour de trois crises exacerbées : une crise sociale, une crise identitaire post-coloniale et une crise de représentation politique. Et, si le terme « racaille » employé par un ministre en a choqué plus d’un, il y a bien longtemps, que ce terme est utilisé quotidiennement par bon nombre pour désigner les habitants de la banlieue.
Après plusieurs décennies de réhabilitation et de débat sur l’insécurité, l’intégration, le multi-culturalisme, le droit à la différence ou à l’indifférence, le communautarisme, la discrimination…, la politique de la Ville n’est pas parvenue à guérir le malaise des banlieues. En effet, en termes d’acquis sociaux, l’accès à l’emploi, au logement, et la reconnaissance sociale restent une sinistre blague pour les nombreux RMlstes, stagiaires à perpétuité, chômeurs longue durée, abonnés de l’aide sociale ou jeunes intermittents des maisons d’arrêts que compte la banlieue.
Aujourd’hui encore, pour celui qui ne l’habite pas, la banlieue reste terra-incognita et le jeune lascar périphérique, le miroir de tous les fantasmes franco-français sur l’immigration et la misère. Et ce, d’autant plus, qu’il adopte une stratégie d’affirmation identitaire qui renforce les préjugés négatifs à son égard, accentue les discriminations dont il est victime et d’alimenter ainsi une spirale sans fin. Hormis les stéréotypes et les évaluations techniques des spécialistes, le jeune lascar périphérique demeure encore un grand inconnu.
Etre un jeune lascar de banlieue, ce n’est pas simple et les questions sont complexes ! Comment accepter d’être l’enfant illégitime d’une République à la mémoire sélective ? Comment faire pour être uniquement français de papiers ? Comment accepter d’être le fruit de tous les échecs des programmes sociaux et de ne jamais avoir le profil et la tête de l’emploi ? Comment se construire un avenir lorsque l’on naît dans des cages à lapins, que l’on pousse dans des cages d’escaliers et que plus tard, le seul objectif est de ne pas se faire mettre en cage ?
Compte tenu du thème abordé, le jeune lascar périphérique miroir des fantasmes sur l’immigration, et, afin d’éviter une réalisation fastidieuse, j’ai adopté le principe d’un ABCdaire : ANCETRES, BOUFFON, COMMUNAUTARISME, DARON, EXCLUSION, FACIES, GALERE… Ces mots ont été débusqués, au hasard des lectures, entre deux pages de pubs à la télévision, entre deux tubes à la radio. Cependant, il existe une logique certaine dans le choix des mots à illustrer, beaucoup de thèmes sont récurrents d’une séquence à l’autre. Les séquences s’enchaînent, se complètent, s’opposent, s’interpellent pour ne composer finalement qu’un seul et même tableau. Ce dispositif narratif présente l’avantage d’être simple et de pouvoir nous livrer les multiples facettes du jeune lascar périphérique en touchant à de multiples cordes sensibles. Passer d’un thème à l’autre, permet de dissocier les modèles, de délier les langages avec humour, avec dérision ou ironie pour « appeler un chat, un chat » et tenter de mettre à mal une bonne fois pour toute, cet espèce d’apartheid à la bonne franquette.
L’idée d’un tel traitement, m’est sans doute venue de mon expérience personnelle et professionnelle. Issu de l’immigration algérienne, je suis né dans le Nord de la France en 1962, au beau milieu du sous-prolétariat métallurgiste. J’ai connu les bidonvilles des années 1960, le changement d’attitude vis à vis de l’immigration au milieu des années 1970 avec le 1 er choc pétrolier et le début de la crise, l’échec de la marche des beurs en 1983, la casse de toute une génération durant les années 1980-1990 (zonzon, came et psychiatrie), et, vu pousser comme l’herbe folle les plus petits. Engagé dans le cinéma militant pendant les années 1990, j’ai réalisé plusieurs documents suite à des flambées de violence. Trop souvent, j’ai constaté à regret, que rien n’avait changé hormis quelques « Hobsistes (de l’arabe : celui qui se vend pour du pain) qui réussissaient à tirer leur plan en la jouant perso ». C’est certainement pourquoi, je ne veux pas réaliser une enquête sur le thème du changement en banlieue suite à une explosion de violence mais plutôt un état des lieux, des esprits et des âmes à travers cet ABCdaire du jeune lascar périphérique.
Le film dans la Base cinéma & société
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