Aucun risque ! Paroles de compagnons
Un film de René Baratta
• 1991 • France • Documentaire • Prise de vue réelle • 60 min • Couleur
• Scénario : René Baratta, Damien Cru,Jean marie Francescon, Francis Dupont • Image : Pierre Yves Bastard • Son : Thierry Bombled
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Dernière mise à jour : 18 mai 2011
« Dans les industries à risques, il est fréquent de voir que les ouvriers ne respectent pas toutes les consignes de sécurité, que souvent leurs gestes et leurs comportements constituent un véritable déni du danger, et passent pour autant de défis au bon sens. L’existence du risque est niée, comme s’il y avait une absence de représentation du danger encouru.
Dans ce film, en partant de la représentation de la prévention et de la sécurité chez les compagnons, nous avons cherché à rendre visible ce qui bien souvent reste caché et énigmatique : quels sont les rapports psychiques que les compagnons entretiennent dans leur travail, avec la prise de risque, la peur, le danger ou l’habitude ? Rapidement, nous avons constaté que ces représentations ne sont pas construites sur un « mode rationnel ». Elles sont fragmentées, contradictoires, et renvoient aussi bien à leur vécu individuel par rapport à la peur, au plaisir, à la souffrance, qu’à des images inconscientes, souvent très ambivalentes.
Toutes les représentations exprimées dans le film n’ont pas les mêmes caractéristiques. Certaines sont claires, dépourvues d’ambiguïté et fondent de véritables propositions susceptibles d’être discutées, comme par exemple lorsque le grutier propose que les compagnons reçoivent une formation complémentaire, sur le code gestuel qu’ils devraient utiliser pour le guider dans ses manoeuvres.
Mais d’autres représentations ne débouchent sur aucune proposition concrète, et témoignent uniquement de la représentation personnelle du risque. A travers ces témoignages, nous découvrons que les compagnons ont tendance à minimiser la gravité des accidents qu’ils subissent, à sous évaluer les risques et le danger encouru, et à transgresser les règles de sécurité.
Certains de ces témoignages parlent de la négation pure et simple du danger. Comme ce compagnon qui nous dit que depuis trente ans qu’il travaille dans le bâtiment, il n’est jamais passé sous une banche pendue à la flèche de la grue. Pourtant, il fait quotidiennement ce geste, pour enlever le béton qui reste collé dans le rail de la banche, à l’emplacement prévu pour les roulettes.
Quelle est la cause de cette transgression d’une des règles essentielles de sécurité ? L’inconscience du compagnon ou bien la mauvaise conception du matériel ? Cette « transgression » n’est-elle pas plutôt la conséquence d’un compromis que le compagnon réalise entre sa santé et son objectif de travail : qui est de faire en sorte que la banche repose correctement sur la dalle ?
Progressivement au cours de notre enquête, une question s’est imposée : De quel risque et de quel danger parlions nous ? De celui défini par l’expert, ou de celui décrit par l’opérateur. Le risque est-il celui de la blessure physique et de la mort, ou bien les compagnons parlent-ils d’autre chose, d’une appréciation personnelle du risque, ou entrent en jeu leurs savoir-faire professionnels et leur expérience du métier.
Si ces représentations personnelles rendent difficile toute discussion sur le risque, le danger, l’accident, elles n’en demeurent pas moins fondamentales, car on ne peut pas appliquer efficacement des règles de sécurité contre la volonté de ceux qui travaillent quotidiennement sur le chantier. Aucune amélioration des conditions de travail et de sécurité ne peut être réalisée durablement, sans prendre en compte ces représentations car c’est à travers elles, que s’exprime la résistance des opérateurs, aux règles et aux consignes de sécurité qui leur sont imposées. »
Le film dans la Base cinéma & société
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