Ouvriers se cachent pour mourir (Les)

En 1958, Marcel Braud invente le premier chariot élévateur et lui donne le nom de Manitou. Le nom devient une marque et part conquérir le monde. Aujourd’hui, c’est le monde qui entre par effraction dans le pays d’Ancenis.

Pour accélérer son expansion, Manitou achète une usine américaine, les établissements Gehl. Avec la crise des subprimes aux États-Unis, l’usine Gehl fait faillite en laissant ses créances à Manitou et déclenche à plusieurs milliers de kilomètres dans toute la région d’Ancenis une réaction en chaîne. Financièrement plombée par le cousin américain, auquel s’ajoutent la crise immobilière française et la crise tout court, Manitou voit son carnet de commandes tomber en chute libre.

Comme le pays d’Ancenis est un petit monde, lorsque Manitou vacille, ses sous-traitants eux aussi mettent un genou à terre. Le réalisateur a suivi pendant plus d’un an plusieurs familles prises dans cette aventure douloureuse.

Il ne s’agissait pas pour lui de filmer une crise, ni de raconter toutes les problématiques du monde ouvrier, encore moins de se poser en spécialiste donneur de leçons. Certes il n’y a pas de massacres, pas de tortures, pas de morts, mais la lente dégradation irréversible de vies de familles qui prennent valeur de symbole dans un monde lui aussi incertain et fragile. Leurs quêtes, leurs angoisses, leurs difficultés sont aussi les nôtres.

Les évolutions sont nécessaires, il faut rester compétitif, les mutations sont inévitables mais il n’a pas filmé des mots, ni des théories, ni une thèse sur l’économie de marché mais des individus lambda, des hommes et des femmes qui ne demandent qu’une chose, un peu de bonheur sur cette terre, et qui prennent de plein fouet le poids des mots : crise, récession, délocalisation, mondialisation.