Clandestins : d’autres vies que les vôtres
Un film de Andrea Rawlins-Gaston, Laurent Follea
• 2016 • France • Documentaire • Prise de vue réelle • 60 min • Couleur • Mode de production : Télévision
• Scénario : Andréa Rawlins-Gaston, Laurent Follea
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Dernière mise à jour : 30 juin 2020
Ils n’ont pas fui les bombes mais la misère. On les appelle clandestins. Ils travaillent, mais sans papiers. Combien sont-ils ? 400, 500000 peut-être, dans une France de 66 millions d’habitants. À peine 1% de la population, mais qui cristallise beaucoup de peurs et de rejets.
Au pays, ils ont laissé une épouse, un fils, une mère. Ils leur ont promis une vie meilleure. Aujourd’hui ils rasent les murs. Ils sont ceux que les autorités veulent expulser en priorité. Alors ils acceptent les boulots ingrats, les horaires décalés, les salaires amputés. Souvent ils gagnent moins que le Smic. Souvent, ils paient des impôts. Certains employeurs profitent d’eux. Pas de recours. Comme l’écrivait Hugo : « l’exil, c’est la nudité du droit ».
Malgré les risques, ils sont cinq à prendre la parole. Cinq de ces « migrants économiques », que l’actualité ou l’Administration réduisent parfois à des statistiques. Cinq histoires singulières, à visage découvert. Sidy le Sénégalais est manoeuvre dans le bâtiment. Emma la Chinoise est manucure. Rahman le Bengladais livre des sushis. Fanny l’Ivoirienne garde des enfants. Armando l’Albanais, enfin, est menuisier. Ils sont en France, parmi nous, depuis cinq, dix, douze ans. Aujourd’hui, pour la première fois, ils parlent. Ils ne font pas de politique, mais racontent la vie. Celle qu’ils ont trouvée ici, celle qu’ils ont fuie, là-bas. Par ce récit simple et puissant, ils effacent certains préjugés et se dessinent eux-mêmes dans notre paysage. Eux, ces « clandestins », qui ont d’autres vies que les nôtres.
Note d’intention d’Andrea Rawlins-Gaston et Laurent Follea
Ceux à qui nous avons donné la parole et un visage dans ce film, sont les autres migrants. Pas les « réfugiés » qui font régulièrement la une de notre actualité, protégés par la Convention Internationale de Genève et qu’il faudrait évidemment pouvoir accueillir.
Non, ceux qui nous intéressent dans ce film sont ceux qu’on appelle les « migrants économiques », les « travailleurs sans-papiers », les « clandestins ». Ils ne fuient pas les bombes, la dictature ou Daesh. Ils fuient une autre guerre, celle contre la famine, la misère ou la sécheresse.
Ils sont aussi les « déboutés de l’asile ». Qu’ils soient originaires de pays considérés comme « sûrs » par l’OPFRA (office française de protection des réfugiés et apatrides) ou de pays qui ont connu la guerre ou la dictature, ils n’ont pas réussi à apporter la preuve de leur persécution au pays. 70% des demandeurs d’asile sont déboutés. Seuls 10% d’entre eux quittent la France. Les autres se retrouvent sans droit, sans-papiers, installés, travaillant au noir.
Il y a ceux enfin qui sont entrés légalement en France, mais dont les papiers n’ont pas été renouvelés à cause d’un changement de statut comme les mineurs isolés devenus majeurs. Ceux aussi qui cumulent les titres de séjour provisoires.
Aujourd’hui, 62% des Français seraient contre l’accueil des migrants. A combien s’élèverait cette proportion si on ne les questionnait que sur l’immigration économique ? Les immigrés sont, et ont toujours été, source de peurs, de préjugés, de rejet. - Peur de quoi ?
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De l’invasion ? Difficile de savoir avec exactitude, mais en France, ces sans-papiers seraient 400 000, 500 000 tout au plus. Si l’on considère que nous sommes 66 millions, cela ne représenterait que moins de 1% de la population française.
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De nous voler nos emplois ? Selon diverses estimations, 200 à 400 000 offres d’emploi ne seraient pas pourvues. Les secteurs : la restauration, le nettoyage, l’aide à domicile, le bâtiment… Et pour cause. Qui a envie de se casser le dos dix heures par jour sur un chantier en plein cagnard, sous la neige ou dans des bâtiments amiantés avec un simple masque? Sans l’immigration clandestine, ces domaines auraient du mal à fonctionner. Une forme de « délocalisation sur place ». Ils travaillent aux conditions de là-bas, mais ici.
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De profiter de nos aides sociales ? La plupart des sans-papiers vivent prioritairement de leur travail. Seule aide sociale communément perçue, l’AME (l’aide médicale d’état). Certains déboutés de l’asile ont pu toucher l’ATA (allocation temporaire d’attente) pendant quelques mois, le temps que l’OPFRA étudie leur demande. Une somme de 11 euros par jour, la belle affaire. Ils sont aussi censés être hébergés, mais par manque de place, beaucoup dorment dans la rue, dans un squat ou chez un marchand de sommeil.
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De la menace terroriste ? Depuis que ce film a été engagé, il y a eu le Bataclan, Cologne, Nice… L’opinion publique s’est encore durcie. La peur est encore plus palpable. Pourtant, un migrant sans-papiers est davantage susceptible d’être agressé par une bande d’extrémistes, violenté par les mafias, maltraité par un employeur ou racketté par un logeur que de fomenter un attentat terroriste. Plus que n’importe qui, il est le plus souvent victime que bourreau, que ce soit dans son pays d’origine, pendant sa traversée, à son arrivée ici en France. Sans-papiers, sans-droits, il est une proie idéale qui n’osera jamais se plaindre.
Derrière les préjugés, derrière les chiffres froids, il y a des hommes, des femmes, des enfants, des sacrifices, des parcours épiques. Qui d’entre nous s’est réellement posé une fois avec l’un d’entre eux autour d’un café pour écouter son histoire ? Simplement, lui demander « Et toi, comment ça va ? D’où tu viens ? C’est quoi ta vie ? ». De toute façon, en général, ils ne nous racontent pas grand-chose. Par pudeur, par honte, par discrétion. Pas envie de se faire remarquer, d’être rejeté, expulsé…
À l’heure où l’Europe cherche des solutions pour accueillir les « réfugiés » qui affluent. À l’heure où du coup, la lutte contre l’immigration illégale se durcit, qui sont ces autres migrants ? Pendant 60 minutes, ce film propose de leur donner un visage, un nom, un âge, une voix. De les poser. De se poser. Et de les écouter, tout simplement. À visage découvert, ils nous racontent leurs vies en France, leurs parcours, leurs secrets, leurs espoirs, leurs déceptions, leurs rêves. Où travaillent-ils ? Dans quelles conditions ? Où habitent-ils ? Qu’ont-ils fui ? Qu’ont-ils emporté dans leurs maigres bagages ? Quelles photos ? Quels talismans ? Pourquoi la France ? Quel parent, épouse, enfant ont-ils laissé au pays ? Quelles promesses leur ont-ils faits ? Quand ils les appellent, leur racontent-ils la réalité de leur situation ? Comment vont leurs enfants ? La nuit, de quoi rêvent-ils ?
En écoutant leurs récits de fils, de père, de mère de famille, de jeune fille. En regardant leurs visages, leurs sourires, leurs rides, leurs larmes… si semblables aux nôtres, peut-être que petit à petit, au fil de ce film, les clichés tomberont et la distance entre eux et nous se raccourcira. Mieux encore, en les invitant dans ce film à sortir de la clandestinité, en leur permettant de nous regarder face caméra droit dans les yeux, fièrement, la tête haute, sans honte et sans peur, ils passent du statut de délinquants ou d’animaux dans lequel ils ont parfois le sentiment d’avoir été relégués, à celui d’êtres humains qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être.
Ce film n’a d’autre message que celui de leurs histoires. Des grandes histoires construites autour de drames intimes. Des parcours qui forcent souvent le respect. Des leçons de vie.
Andrea Rawlins-Gaston et Laurent Follea
Le film dans la Base cinéma & société
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