Fils de lip
Un film de Thomas Faverjon
• 2007 • France • Documentaire • Prise de vue réelle • 50 mn • Couleur • Mode de production : Télévision • VF
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Dernière mise à jour : 18 septembre 2013
Envers ou revers d’une des plus emblématique luttes sociales ! Le réalisateur a trente ans, l’âge du conflit LIP, il rencontre ceux dont on pourrait dire qu’ils sont les déçus du conflit, qui vécurent la fin des luttes comme un drame douloureux et déchirant… Ses parents sont de ceux-ci. Silences, demi-dits, déceptions enfouies. Consacré au deuxième conflit de LIP, le film apporte un éclairage nouveau sur cet épisode.
Alors que le film de Christian Rouaud, LIP, l’imagination au pouvoir traite de la première partie du mouvement (grèves pour s’opposer à des licenciements, occupation de l’usine, originalité de la lutte en continuant à fabriquer des montres et en les vendant pour se verser des salaires de survie, démonstration dans les faits que l’autogestion était une option viable économiquement et socialement, totalité des salariés réembauchés), celui de Thomas Faverjon se situe dans un tout autre contexte : deux ans plus tard, dépôt de bilan, usine parfaitement viable mais sans repreneur car pour l’élite économique et politique, il fallait punir les LIp - qu’ils soient chômeurs et qu’ils le restent dira Giscard d’Estaing - et faire un exemple afin qu’il soit entendu à l’avenir pour tous les ouvriers menacés par les restructurations, que la lutte est inutile et que l’union ne suffit pas à faire la force. Les LIP créent alors six coopératives mais en laissant sur le carreau bon nombre d’ouvriers et d’ouvrières dont la mère de Thomas Faverjon.
À l’épopée ouvrière glorieuse et positive construite par Christian Rouaud, le film de Thomas Faverjon offre donc un contre-champ douloureux et nécessaire. Les protagonistes du film Fils de LIP, se reconnaissent dans les luttes des premières années mais l’issue du conflit a laissé un goût amer à plus d’un. C’est cette amertume que Thomas Faverjon a reçue en héritage sans qu’elle lui soit expliquée. Alors même qu’à l’extérieur, tout le monde (à gauche) évoquait LIP comme un moment glorieux, ses parents et certains de leurs amis ou collègues, préféraient garder un silence pesant et douloureux.
De manière étrange et paradoxale, les deux films sont, à la fois profondément différents et complémentaires. Ils offrent des points de vue radicalement opposés sur deux moments distincts du conflit et ce, par le biais de formes cinématographiques originales. Dans l’un la parole est motrice, c’est d’elle que naît la dynamique du film et le mouvement de la pensée ; dans l’autre, c’est le silence (celui de ses parents) qui est au cœur du film, un silence si pénible qu’il fait naître la nécessité pour Thomas de combler l’absence avec d’autres mots, les siens. La vision des deux films induit chez le spectateur un montage mental des plus stimulants.
Fils de LIP s’ouvre précisément sur la difficulté de vouloir raconter autre chose que l’épopée victorieuse. La première personne abordée refuse d’abord d’être filmée d’où le très beau plan qui ouvre le film et raconte à lui seul l’inconfortable position de son auteur, héritier en quête d’un héritage fuyant et insaisissable. Puis vient la séquence familiale où les questions du réalisateur se heurtent à un mur de silence. Lip ? Rien à voir, rien à dire, rien à entendre. « C’est toi qui vois » résume laconiquement André, le père de Thomas. Dès lors, le film documentaire classique est au point mort et doit trouver une forme nouvelle .
Pour Thomas Faverjon, construire une image du drame familial et du conflit de LIP implique donc d’en respecter la complexité, irréductible à un récit linéaire et " positif « ; le processus même du film doit figurer la difficulté du cheminement, et atteindre au-delà des idées abstraites, la peau humaine des choses.
Pour découvrir ce film
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Regards sur le travail (Bruxelles)